jeudi 3 septembre 2015

Cedric ou pas Milet

19/07/15 
Je suis pour que soit écrit un guide du baroudeur qui interdirait d'établir des campings en plein centre ville!! Ce qui nous a semblé plutôt une bonne idée s'est avéré être une grosse boulette; faut dire que dans le guide le camping était plutôt bien vanté: ombragé, piscine, près de la marina, à un jet de pierre du centre ville...etc. ils ont omis de préciser que la nuit leur restaurant se transformait en night club!! Je n'ai pas pu fermé l’œil de la nuit entre les décibels des derniers tubes à la mode et ceux émis par mon cher et tendre, j'ai bien eu du mal à me détendre!
Bref ne nous étalons pas sur cette nuit, on s'y prendra autrement la prochaine fois! Aujourd'hui nous allons à MILET (vous saisissez! Cédric est persuadé que ses ancêtres viennent de cet ancien port. Je parie même qu'il pense à Thalès!) Après plusieurs changements de bus où les Turcs avec qui nous avions discuté semblaient bien curieux de savoir qu'est ce que nous allions y faire! Nous sommes seuls dans le bus! le seul qui va vers cette ville fantôme! mais que ne ferai-je pas par amour? Cédric trépigne d'impatience! il fait plaisir à voir, un vrai gamin!
Vue de Milet


Milet! je retire ce que j'ai dit plus haut pas si fantomatique que ça, il y a quelques touristes! Des Turcs pour la plupart de retour de DIDIM. je suis Cédric dans les "méandres" de cette cité ruine qui parait-il était un port important! Alexandre le grand en avait fait un poste avancé!
L'entrée du port de MILET
 Entre deux ruelles Cédric décide d'aller creuser plus en profondeur (il espère trouver des pièces d'or!) 
Moi attirée par Appollon je m'approche de son temple 
Moi devant le temple d'Apollon (la photo est prise à contre jour ne jugez pas!)

Pas grand chose à voir mais bon je m'amuse à sauter de pierre en pierre quand un garde sur une moto me crie depuis la route de revenir: le seul bus qui dessert MILET  pour DIDIM vient d'arriver il faut redescendre vers la guérite! je crie à Cédric perché sur une colline "Cédric le bus pour Didim!!!!" en lui faisant des grands signes pour qu'il revienne. il me repond "Ok!" et me voilà partie au pas de course par 38°c un sac pas si léger que ça au dos! Je reussis à me perdre, dieu seul sait comment! Un berger obligeant me remet sur mon chemin. Ouf le bus est encore là, le chauffeur me fait des grands signes; vite vite il faut monter à bord! Mais stop! où est Cédric? je demande à  la guérite personne ne l'a vu! Punaise!!!! le chauffeur ne peut pas attendre, il a ses horaires voyez-vous. Il me propose tout de même d'abandonner ce baroudeur (c'est tentant mais non), je refuse et redescend nos sacs. Mais quel aventure! Que d'émoi pour Milet et 3 ou 5 fonctionnaires! 
Une famille ukraino-turcque avec qui j'avais sympathisé devant Apollon, me prend en pitié et m'offre de partager une boisson fraîche avec eux! ils sont comme ça les turcs!  les demoiselles en détresse ne les laissent pas indifférents! 5 min plus tard voilà enfin Cédric qui fait son apparition! Mais enfin Cédric! on a raté notre bus!! "ah oui?! quel bus?!" et là j'apprends que quelques minutes plus tôt il avait compris de ce que je lui avait crié: "Cedric je treechhhh...dimin!!!" et que j'avais tourné le dos fâchée de l'attendre sous le soleil! franchement! je suis vexée! je ne suis pas si susceptible que ça! (enfin pas tout le temps). 

mercredi 2 septembre 2015

48 h à Diyarbakir: rires et peur sur la ville

Le 31 juillet, nous nous sommes levés à 4h du matin pour voir le lever de soleil sur le mont Nemrut près de Malatya la capitale mondiale de l'abricot. Rien à dire, magnifique. C'est le fruit de l'ego démsru'un roi oublié et mégalomane, Anthiochos Ier (1er siècle av JC)




Puis partons pour un périple vers Diyarbakir où nous arrivons vers 14h en compagnie de Ramash et Jules, une iranienne et un français. Nous quittons la Turquie touristique pour rentrer dans l'est de la Turquie, le "Kurdistan", à 150 km de la Syrie. Nous avons définitivement quitté l'Europe pour rentrer en Asie dans un "no tourist land" où quasiment plus personne ne parle anglais.
Diyarbakir est à la fois la plus grand ville du Kurdistan turc mais est aussi sensée être l'agglomération la plus virulente du nationalisme kurde. Des dizaines de milliers de personnes y ont fuit le sanglant conflit des années 90 entre l'Etat Turc et les indépendantistes du PKK. Une trêve était en cours depuis 2012 mais il y a quelques jours, l'armée turque vient de reprendre les bombardements sur les bases du PKK pour lutter contre  le terrorisme et l'Etat Islamique. Le PKK répond en attentats ciblés sur des militaires. Bref, le cycle classique d'attaques - représailles. Nous y allons quand même, c'est pas Bagdad non plus.
Nous trouvons un hôtel dans le centre ville à l'intérieur de fortifications. Ces puissantes murailles de pierres noires qui s'étendent sur 10 km et surplombent le Tigre, protégeaient cet important carrefour de la route de la soie. Nous passons d'après midi à nous reposer puis sortons diner. Au coin de la rue deux inconnus nous abordent. Ils disent s'appeler G. Bush et Obama. En fait, un travaille pour l'entreprise française Pérenco et l'autre est infirmier. Ce sont de vrais comiques (d'ailleurs, le même soir deux individus nous referons la même blague. A croire que le Jamel Comedy Club local est tourné ici). Ils nous amènent un bon restaurant, et on s'est donné rendez vous plus tard pour boire un verre. Notre diner finit, nous les recroisons dans la rue puis allons chercher Jules et Ramash. Direction le marché et un petit caravansérail, endroit branché où l'on boit du vin turc acceptable. Emmah revit. Enfin du vin! Seul bémol, des attaques de chauve souris nous couvrent de fientes!

Le lendemain matin, Emma et moi partons avec nos compagnons à la découverte du célèbre petit déjeuner de Diyarbakir et nous ne serons pas déçus. Nous entrons dans un magnifique caravansérail du XVIème siècle. La cour et recouverte de toiles, les brumisateurs adoucissant la température donnent une impression de poussière soulevée par les dromadaires qui se reposeraient. L'atmosphère est magique, les milles et une nuits sont devant nous. Le premier étage est rempli de restaurants servant des brunchs. Ils sont pantagruéliques. Je n'ai jamais vu ça. Pas moins de vingt plats nous sont servis! Quatre sortes de fromages, trois yaourts différents, des œufs, du miel, des crudités, omelettes... C'est le palais des délices. J'y ai mis du mien mais n'avons même pas pu en finir la moitié.

Nous commençons alors la visite de la vieille ville. La grande mosquée du XIème siècle fut construite par les sultans Seljukides. Bien différente des mosquées ottomanes, elle n'en est pas moins magnifique. Elle alterne les pierres noires et blanches et est un patchwork des différentes civilisations qui se sont succédées. Des colonnes romaines et byzantines ont été réutilisées. De l'intérieur se dégage une impression très paisible. Il fait frais sous les climatiseurs. Des dizaines de vieux sont là à prier, discuter ou simplement dormir. On comprend mieux la vie réglée des retraités turcs. A midi au frais à la mosquée avant d'aller vers 17h dans les caihane (boutiques dédiées à boire du thé) en jouant aux cartes ou au dominos.
S'ouvrent ensuite des ruelles plus sinueuses, plus obscures. Les habitations sont de plus en plus délabrées et les gens plus pauvres. Nous atterrissons dans le centre culturel kurde puis commençons à bavarder. On nous fait installer, nous offre du thé Apparemment, c'est ici qu'il y a des représentations de chants kurdes. "Vous voulez entendre?" " Bâ oui pourquoi pas". Et en quelques minutes une vingtaine d'hommes apparaissent comme par miracle. Et alors les plus anciens se mettent à chanter l'un après l'autre. C'est magnifique, mélancolique, entêtant. Ramash se met à pouffer. Le kurde étant proche du perse, elle comprend en grande partie.  Et ce ne sont pas des chansons de bisounours. Il s'agit d'amours transis, de belles poitrines et d'actes de chevalerie.

Etrange ville où l'on t'offre du thé, où des enfants te conduisent pendant 15 min pour arriver dans une Eglise Syriaque pour voir deux bouts de pierres qui dateraient du IIIème siècle (une des plus ancienne Eglise du monde), où les femmes veulent que tu les prennes en photos mais où aussi des gamins foutent le feu à un carton, jouent au football avec en te poursuivant et où les jouets vendus à la gare routière ne sont pas des voitures comme dans le reste de la Turquie mais des pistolets en plastique. C'est ce qui rend l'atmosphère de cette cité si particulière. Une dichotomie entre l'accueil chaleureux des gens et un je ne sais quoi qui rend mal à l'aise. Ce sentiment se vérifiera plus tard dans la soirée.
Nous nous mettons à suivre les remparts mais les filles sont fatiguées. Ah les femmes... Donc après avoir entr'aperçu le Tigre direction l'hôtel. Après avoir diné, nous allons au bar à vin de la veille. Emma teste son fume cigarette en écume de mer acheté à Gorémé. Des pétarades répétées se font entendre. Ce n'est pas loin. Sont-ce des pétards ou des tirs d'arme? Aucun des deux. Nous voyons rerentrer des clients en pleurs. Gaz lacrymogène. Cinq minutes après la snob Emma, Emma la pleureuse! Les autres clients restent zen. Pas de panique. Ils écoutent les bruits, les tirs qui vont et viennent. Ils partiront petit à petit, groupe par groupe. On se décide enfin à partir, pas très rassurés. L'air est encore saturé de gaz. Les magasins ferment rapidement mais les gens marchent normalement dans la rue. Devant le commissariat, les policiers - supersexy d'après les filles - discutent entre eux comme si de rien n'était. Etrange soirée. Nous avons évidement été assez marqué. Mais au vu des réactions des locaux, c'est comme si c'était une soirée normale à Diyarbakir....